Contrées émouvantes
Impression A3
Jet d'encre sur papier 210g
Envoyé à plat dans une grande pochette cartonnée
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Je commence une nouvelle série de dessins à partir de l'étang de Berre, là où ça sent la marge et la trique, sur les bouquets craquants des vieilles garrigues brulées, mais aussi à partir de mon dernier voyage à Athènes, et des eaux-fortes flamandes de Paul Bril réalisées à la fin du 16e siècle.
Accrochées aux pentes des collines, les cuves de Berre l'étang se dessinent au loin comme des temples circulaires. Sur le plateau de l'Arbois, une tour sphérique émerge des cuestas, comme l'église d'un paysage sans nom.
Au Pirée, une chapelle aride brille sous les autoroutes sur pilotis, et des palmiers éclatent contre des dalles de béton empilées. Sur les coteaux râpeux, les cierges immenses dépassent des citadelles, et des pylônes s'enfoncent dans la pinède.
Derrière la gare de Fos sur Mer, sur la couverture spongieuse des algues entassées sur les berges, l'étang de l'estomac s'ouvre comme un ventre et cristallise lentement au soleil, comme un glaçage de sel et de boue.
Plus loin encore, près d'un aqueduc ruiné, on voit Lavalduc, un étang encaissé aux reflets vineux. Saturées en sel pour alimenter les industries, ses eaux laissent sur le rivage des gros cristaux blancs et durs accrochés aux branches sèches, comme des coulures de désirs saumâtres.
Des chapelles minuscules éclosent comme des fleurs sur le bord des routes : des petits sanctuaires en béton, dressés sur des piliers, surmontée d'une coupole ou d'une croix, qu'on édifie pour se souvenir de nos morts. Quand elles ne sont pas abandonnées, elles abritent des bougies, des icônes, et des objets qui rappellent le défunt. On les appelle en Grèce les αφιέρωμα. J'imagine des petites scènes d'orgie à l'intérieur, pour faire battre la mémoire des fantômes.
"Que faire de tous ces morts, où aller, comment s'aimer?" (M. Riboulet)
Le paysage s'effrite et se décolle en lambeaux, les territoires s'enfilent comme les strates profonde d'un marécage.
(Les fleurs collées sur le dessin sont des sauges à petites feuilles ramassées à Istres cet automne)