Fist Agave
Linceul de garrigue, à tendre au fond des églises.
Sérigraphie sur tissus en coton moucheté.
Format : 32x45cm
> Plusieurs dessins sont disponibles, sérigraphiés sur le même tissus (faire défiler les slides)
> Disponible également en encre dorée sur coton noir. Photo sur demande.
> Sérigraphie disponible également au format affiche (A3+) sur papier à grain.
Photo sur demande.
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Dessin réalisé à partir d'une planche d'herbier d'Agave Seemannina
L'histoire avec les agaves commence à Marseille, au Jardin du Bois Sacré, sur le versant sud de Notre-Dame de la Garde, un chemin en belvédère qui serpente entre les pins depuis lequel on voit les villas, les églises, les immeubles s’enfoncer dans le calcaire dur, se dérouler comme une langue de béton jusqu’au rivage, le long de la corniche, et buter contre la mer. Plus loin, les îles du Frioul s'étirent sous l'horizon en larges bandes arides.
Ici, les agaves débordent et éclatent de partout, elles dévalent les pentes brulantes et surgissent des décombres, des talus, des éboulis de cailloux blancs. Sur leur colline frappée de lumière, elles se dressent comme des palais caniculaires aux larges feuilles épaisses et épineuses, pour irradier toutes les garrigues alentours.
Sous terre, dans le silence des caveaux, les rhizomes cheminent, se divisent en tiges souterraines, et les drageons soulèvent la rocaille battue par le soleil pour faire jaillir de minuscules agaves.
Les agaves ne fleurissent qu'une seule fois avant de mourir. Toute leur vie, parfois pendant plus de trente ans, elles accumulent de l'énergie par photosynthèse, sous la forme d'un jus sucré amidonné qu'elles conservent dans leur cœur. Durant l'ultime floraison, elles épuisent leurs réserves pour faire apparaître une impressionnante hampe florale grande de plusieurs mètres.
Des grappes ramifiées de fleurs jaunes se forment tout autour de la hampe, une tige de lumière chaude où coule un nectar épais et très sucré, que les chauves-souris viennent sucer la nuit en enfonçant leur langue dans le pistil gorgé de poudre. Les fruits, de grosses capsules oblongues remplies de graines noires, explosent dans la décharge estivale.
Puis l'agave finit par mourir et se dessécher. Les hampes s'effondrent comme des colonnes qui pleurent, et se décomposent au soleil en tas de cendre. En séchant, les feuilles deviennent sombres et rigides, figées dans leur courbe comme des fossiles, elles se fissurent en rangées de crevasses profondes, elles déroulent les cartes d'un paysage volcanique, les lignes troubles d'un terrain accidenté.
Le Bois Sacré prend alors des allures de cimetière, une garrigue funéraire où les feuilles s'entassent en sépultures, sur lesquelles poussent déjà de nouvelles agaves.
C'est là, dans ce paysage de ruines, cet ossuaire végétal, que je ramasse les feuilles et les hampes mortes. J'accumule ces morceaux de tombe chez moi, les entasse dans ma chambre-atelier, pour fabriquer des objets, des outils en leur honneur.
Elles m'accompagnent dans mon travail pour raconter des histoires de désirs et de fantômes, pour raviver la mémoire des sxualités troubles et déviantes. Elles ouvrent des lieux chauds, des jardins d'amour pour dialoguer avec nos mort.es.
Sur des petits sanctuaires muraux, des autels en bois, j'accroche les feuilles sèches et les hampes que je trempe dans la cire, pour rappeler la douceur du foutre et des cierges, les coulées de sève au fond des pinèdes.
A la façon d'ex-votos, je dispose des objets d'archives liés à la mémoire de nos sxualités : masques à poppers, pinces-tétons en métal, ceinture cloutées, harnais de tête, cockring -un reliquaire de vieux désirs souterrains.
À la façon des accessoires SM, je perce les grandes feuilles d'agaves sèches et rigides pour les nouer à des bandes de caoutchouc noir.
Je les accroche à mon corps, autour de mon ventre, elles prolongent mes membres, deviennent des masques, des harnais épineux, des cache-sxes en forme de créatures.
Lors des sessions domination avec mes clients, j'utilise parfois les feuilles d'agaves comme instrument pour griffer, pour enfoncer les rangées d'épines dans la peau, former des scarifications.
Parfois, je presse les corps de mes clients avec les feuilles fraiches, plus lourdes et soyeuses. Contraints sous le poids de la feuille, ils ne peuvent pas bouger, au risque de se blesser sous la pression des épines.
Au fond des agaves apparaissent des palais brulants, où les sxes sont des hampes, des panicules, des bulbilles, et les ventres donnent sur des collines caniculaires, des rivages croutés par le sel, saturés de jaune, de phlomis et d'euphorbes. Consolantes, les agaves enveloppent les visages tristes, dans le parfum des garrigues brulées. Elles chantent les désirs souterrains, les désirs enfouis sous les décombres, des formules magiques pour ressusciter les fantasmes.